OQTF : qu’est ce qu’une menace à l’ordre public
Les Préfectures dégainent avec une facilité déconcertante la fameuse “menace à l’ordre public” pour édicter des OQTF.
Et ce mouvement ne va pas se tarir : la récente circulaire “Darmanin” du 5 février 2024 se targuant d’une “réforme sans précédent du régime des expulsions, ainsi que des refus de renouvellement, des retraits de titre de séjour et des obligations de quitter le territoire français (OQTF)” signe pas du tout masqué de l’usage massif de “l’arme” OQTF.
La question se pose donc de savoir ce qu’est une “menace à l’ordre public”.
Cette définition n’appartient pas au ministre de l’Intérieur, mais au juge administratif.
C’est lui, en tant que juge de la légalité de la décision qui lui sera déférée, qui déterminera si la menace était ou non avérée.
Les contours de la notion
Or à cet égard, il est constant qu’une infraction mineure ne saurait présager de l’existence d’une menace à l’ordre public.
Et le juge se livre également à une “appréciation prospective : c’est l’existence d’une menace pour l’avenir” (conclusions de M. Lallet sur CE, 19 juin 2020, n° 428140).
En ce sens, l’individu qui a commis « de multiples délits entre 2004 et 2010, tels que des faits de rébellion, d’outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique, de transport, acquisition, détention, offre ou cession non autorisée de stupéfiants, d’usage de stupéfiants, contrebande de marchandise prohibée, de conduite d’un véhicule sans permis et de conduite d’un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique, pour lesquels il a été condamné à un an et onze mois d’emprisonnement dont quatre mois avec sursis, à 70 heures de travaux d’intérêt général et à 6 046 euros d’amende” ne présente pas une menace telle à l’ordre public qu’un refus de renouvellement de son titre de séjour soit justifié, compte tenu de l’ancienneté des faits (3 ans) et de son comportement irréprochable depuis sa dernière condamnation (TA Cergy-Pontoise, 30 mars 2016, n° 1310374).
Ne constitue pas non plus une menace à l’ordre public la personne qui a été interpellée pour conduite d’un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique de 0,8 grammes par litre de sang (TA Bordeaux, 27 juillet 2015, n° 1503438).
Ce n’est pas non plus le cas de celui qui “requérant a été interpellé à la sortie de la maison d’arrêt après avoir purgé une peine d’emprisonnement pour conduite d’un véhicule en état d’ivresse” (TA Nice, 22 août 2014, n° 1403580) ni de celui qui a usurpé l’identité d’un tiers, s’il n’a jamais fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire (TA Melun, 21 août 2014, n° 1407504).
Le juge tient également compte de la nature de la peine effectivement infligée par le juge pénal (TA Limoges, 5 juin 2014, n° 1400428).
Conclusion
Au final, il faut retenir que :
“dans le droit commun des étrangers, l’appréciation de la menace à l’ordre public, qu’elle soit simple ou grave, est indépendante de l’existence de condamnations pénales. Cette notion ne se fonde pas davantage uniquement sur les troubles à l’ordre public déjà constatés, mais constitue une mesure préventive ; elle repose sur une évaluation de la dangerosité de l’intéressé dans l’avenir” (rapport de Mme la députée BROCARD, loi immigration, asile et intégration, 18 octobre 2023).
En définitive, le juge administratif fait preuve de pragmatisme en distinguant “l’erreur de jeunesse” ou l’infraction isolée de la situation de la personne qui a commis une infraction d’une exceptionnelle gravité.
Ces dossiers demeurent toutefois extrêmement sensibles et nécessitent d’être soigneusement préparés : il s’agit bien l’un des rares cas où les Préfecture font l’effort de défendre leur décision devant le juge administratif