Comment prouver 10 ans de présence en France ?

Une précision avant toute chose : apporter la preuve de 10 ans de présence en France ne donne aucun droit automatique à l’obtention d’un titre de séjour.

Toutfois, “lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14” (article L. 435-1 du CESEDA).

Cette saisine de la commission du titre de séjour constitue une garantie à laquelle il ne peut pas être dérogé : si elle n’est pas saisie alors qu’elle aurait dû l’être, le tribunal annulera l’OQTF.

En effet, l’institution de cette commission a été “conçue comme une garantie supplémentaire d’ordre pré-juridictionnel pour les étrangers faisant l’objet d’un refus de titre de séjour » (conclusions de M. Botteghi sur CE, 8 avril 2013 n° 264558).

Cela étant dit, comment se prouve une durée de présence en France de plus de 10 ans ?

D’abord, l’administration « ne saurait utilement invoquer la circonstance que, […] aucune pièce n’émane d’une administration publique dès lors que les autres pièces sont suffisamment nombreuses et diverses pour que la résidence habituelle en France de M. X puisse être regardée comme établie depuis plus de dix ans à la date de l’arrêté attaqué » (TA Paris, 26 novembre 2013, n° 1311192).

Autrement dit, tout type de pièces peut permettre d’établir cette durée.

Il suffit que l’intéressé présente « des pièces suffisamment nombreuses et probantes » (cf. par exemple TA Paris, 28 mai 2013, n° 1301083) pour attester de sa présence depuis plus de dix ans.

Il n’est pas exigé de pouvoir « à justifier de sa présence sur le territoire français mois par mois » (TA Paris, 13 septembre 2016, n° 1607830).

Des “trous” d’un semestre sont mêmes admissibles (cf. par exemple TA Paris, 28 juillet 2016, n° 1605374).

Dans l’idéal, il est recommandé de collecter au moins une pièce par trimestre.

Il faut relever que toutes les pièces n’ont pas la même valeur probante : un document administratif “vaudra plus” qu’une simple preuve d’achat d’un titre de transport.

L’essentiel est de fournir “de très nombreuses pièces d’origine différente”, comme des “attestations d’admission à l’aide médicale d’Etat, des pièces médicales” ou encore “des factures de téléphone ainsi que des courriers qui lui sont adressés” (CAA Paris, 13 février 2015, n° 14PA03043).

On pensera également aux “pièces émanant d’autorités officielles”, à “un certificat de vaccination et un relevé d’opération de transfert de fonds effectuée en France”, aux classiques “avis d’imposition, des relevés d’opérations bancaires effectuées régulièrement en France, ainsi que, pour les années 2004 à 2008, des documents relatifs à une carte Navigo intégrale”(TA Paris, 10 décembre 2008, n° 0813877) ou encore - évidemment - aux « des fiches de paie » (TA Paris, 14 juin 2012, n° 1205145), « relevés d’épargne salariale, des factures téléphoniques, un relevé bancaire émanant de la banque postale et des ordonnances médicales dont certaines comportent la mention de délivrance des médicaments », ainsi que des « pièces probantes telles que des bulletins de paie, des documents administratifs et médicaux, des relevés bancaires, des avis d’imposition comportant des revenus et des attestations d’admission à l’aide médicale de l’Etat » (TA Paris, 24 octobre 2012, n° 1211803).

En définitive, il faut constituer un dossier fourni, documenté par plusieurs pièces d’origine distincte, dans l’idéal au moins une par trimestre, sur dix ans.

Il faudra évidemment classer ces pièces dans l’ordre chronologique et éventuellement les accompagner d’une brève synthèse pour expliquer ce parcours long d’au moins dix ans… qui ouvrira la porte de la commission du titre de séjour.

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