OQTF : 3 ans après, est-elle vraiment caduque ? Les nuances juridiques
L'obligation de quitter le territoire français (OQTF) ne disparaît pas automatiquement après 3 ans. Découvrez les subtilités juridiques et les conséquences pour les étrangers concernés.
Vous avez reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ? Vous vous demandez si cette mesure administrative perd de sa valeur avec le temps ? Si vous pensez qu'une OQTF devient caduque au bout de trois ans, détrompez-vous. La réalité est plus nuancée.
La possibilité d’exécution forcée d’une OQTF est limitée dans le temps
Dès 1998, le juge administratif a posé une limite : l’exécution forcée d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ne peut pas être indéfinie dans le temps.
En effet, lorsque s’est écoulé “une durée anormalement longue” entre la date d’édiction d’OQTF et la date de son exécution forcée, il incombe à l’administration d’émettre une nouvelle OQTF, tenant compte des changements de circonstances de droit ou de fait qui ont pu survenir.
Un exemple : si une OQTF édictée en 2000 faisait l’objet d’une exécution forcée en 2005, l’administration ne peut se fonder sur l’acte qui date d’il y a 5 ans. Elle doit s’interroger sur le point de savoir si des changements ne sont pas survenus : mariage, naissance(s), intégration professionnelle, état de santé de l’intéressé etc.
Le délai légal de 3 ans
Prenant acte de la décision du Conseil d’Etat de 1998, le législateur a fixé cette “durée anormalement longue” à un an.
Au-delà d’un an, le délai au-delà duquel l’OQTF ne pouvait plus donner lieu à exécution forcée, qu’il s’agisse d’une assignation à résidence ou d’un placement en rétention (article 49 de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003).
Mais ce délai est désormais passé à 3 ans par la dernière loi Darmanin du 26 janvier 2024 (article 72 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 ; article L. 731-1 du CESEDA ; voir cet article sur ce sujet)… ce qui ne manque pas d’interroger sur l’évolution de la notion de “durée anormalement longue” : à 20 ans d’intervalle, cette “anormalité” a triplé.
Après 3 ans : attention, l’OQTF n’est pas annulée
Il est important de bien comprendre que ce délai ne signifie pas que l'OQTF est annulée. L'obligation de quitter le territoire français subsiste. C'est simplement l'exécution forcée qui est suspendue.
On entend souvent dire qu’après un an (désormais 3 ans donc), l’OQTF serait “caduque”. C’est un abus de langage qui mérite d’être précisé.
Car ce qui devient “caduque” après trois ans, c’est uniquement l’exécution forcée de l’OQTF.
Pour le reste, l’intéressé reste tenu d’exécuter l’OQTF volontairement : il est toujours soumis à une obligation de quitter le territoire (article L. 711-1 du CESEDA).
L’étranger sous OQTF reste donc indéfiniment dans les petits papiers de la préfecture.
C’est pourquoi il vaut mieux une annulation par un juge que de laisser le temps filer. L’annulation prononcée par un tribunal retirera l’OQTF de l’ordonnancement juridique : c’est comme si elle n’avait jamais existé.
En pratique en cas d’interpellation d’un étranger sous OQTF “ancienne”, il appartiendra toujours à l’administration de tenir compte des évolutions de fait ou de droit qui ont pu survenir.
Les conséquences pratiques
Même après 3 ans, l'étranger reste soumis à l'obligation de quitter le territoire.
Une nouvelle OQTF peut être émise à tout moment, avec une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF)
Les difficultés pour régulariser sa situation sont accrues.
Quelques conseils pour finir
La loi Darmanin ayant porté à 3 ans le délai dans lequel il peut être procédé à l’exécution forcée d’une OQTF, il est encore plus important qu’avant de demander l’annulation de l’OQTF au juge administratif.
Le dépôt d’une demande de titre de séjour au titre de l’admission exceptionnelle au séjour par celui qui a déjà fait l’objet d’une OQTF doit être fait de la manière la plus sérieuse qui soit : le dossier devra être très solide pour éviter l’édiction d’une nouvelle OQTF.
Méfiance donc au raisonnement hâtif qui consiste à se dire : “après 3 ans, c’est fini”.