Accord franco-algérien : obtenir un certificat de résidence après une OQTF
analyse de la condition de résidence pour l’obtention d’un certificat de résidence vie privée et familiale
L’article 6, 1° de l’accord franco-algérien prévoit que le certificat de résidence d’un an “vie privée et familiale” est délivré de plein droit au ressortissant algérien qui “justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d’étudiant”.
Les refus de renouvellements étant (de plus en plus) courant, se pose la question de savoir si celui qui n’a pas exécuté une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et une interdiction de retour (IRTF) peut se prévaloir du temps qu’il a passé en France, alors qu’il n’aurait pas dû y être.
Un espoir…
Dans une récente affaire, le rapporteur public répondait par l’affirmative, rappelant que les textes tendent “à faire naître à droit - droit au séjour ou protection contre l’éloignement - d’une pure situation de fait, à savoir la résidence sur le territoire pendant une durée suffisamment longue”. Autrement dit, “passé une certaine période de résidence, sous quelque forme que ce soit, régulière ou non, le droit rattrape le fait et l’étranger doit bénéficier d’un titre de séjour ou d’une protection contre l’éloignement” (conclusions de M. Nicolas Labrune sur CE, 30 juillet 2024, n° 473675).
Il poursuivait en précisant que, par conséquent, “il n’y a aucune raison de ne pas inclure dans le décompte de sa durée de résidence les périodes durant lesquelles un étranger est sous le coup d’une interdiction de retour sur le territoire français qu’il ne respecte pas. Au contraire même : l’absence d’exécution de l’interdiction de retour manifeste bien une volonté de l’étranger de se maintenir sur le territoire français, donc une résidence sur le territoire”.
Cette solution s’inscrivait dans la droite ligne du précédent par lequel le Conseil d’Etat avait estimé qu’"il n’y a pas lieu de tenir compte de la circonstance [qu’un étranger] aurait résidé en France pendant tout ou partie de cette période [de 15 ans de résidence habituelle s’opposant à une reconduite à la frontière]" sous une fausse identité et en se prévalant d’une fausse nationalité” (CE, 29 avril 2022, n° 226626).
Cette décision était tout à fait logique : le temps qui passe a bien un effet concret sur la vie privée de l’intéressé, qui “recentre” ses intérêts privé en France en même temps que ceux-ci s’éloignent de son pays d’origine.
… vite douché…
Malheureusement, ce raisonnement n’a pas été suivi.
Pour le Conseil d’Etat, “en jugeant que les périodes durant lesquelles l’intéressé faisait l’objet d’une interdiction de retour en France, alors même qu’il a continué à séjourner sur le territoire national sans respecter cette interdiction, ne peuvent être prises en compte pour l’appréciation de la durée de résidence mentionnée au 1° de l’article 6 de l’accord franco-algérien, le président de la 1ère chambre de la cour administrative d’appel de Marseille, qui n’a pas dénaturé les pièces du dossier, n’a pas commis d’erreur de droit”.
… et la Douche est froide…
Cette décision est bien décevante et, surtout, éloignée de la réalité : au-delà des arguments relevés par Monsieur Labrune, lorsqu’on sait qu’au moins 20 % des OQTF sont illégales, il est pour le moins curieux de leur laisser produire des effets au-delà même de leur date de validité, sauf à laisser à conférer à l’Etat une “prime à l’illégalité” (faire du nombre, au mépris du droit, produira toujours des effets juridiques).
A cela s’ajoute la vision singulièrement étriquée du droit au respect de la vie privée et familiale protégée par l’article 8 de la CEDH, qui aurait pu faire obstacle à l’édiction d’une nouvelle OQTF. Car pour l’essentiel, ce droit est niée à ceux qui n’ont ni conjoint, ni enfants… Ce qui fera l’objet d’un prochain article.
Cette solution doit aussi inciter à réagir en cas d’IRTF : il paraît en effet encore plus important, désormais, d’obtenir l’annulation de ces décisions.
… mais pourrait se réchauffer
Finalement, il faut aussi voir le bon côté des choses : la décision du Conseil d’Etat peut être lue comme ayant une portée limitée à la situation de l’étranger qui s’est vu délivrer une OQTF / IRTF.
Celui qui n’est “que” sans papiers - et donc en séjour irrégulier, mais sans être sous le coup d’une OQTF / IRTF - peut tout de même se prévaloir du fait que, le temps passant, “le droit rattrape le fait et l’étranger doit bénéficier d’un titre de séjour ou d’une protection contre l’éloignement”.
Il faut rester optimiste.